Il ne semble pas avoir fréquenté les cours de l’Ecole de Dessin (future Ecole des Beaux-Arts) de manière très régulière.
Jean Champier, professeur puis directeur de cet établissement, qui le connaît depuis l’école primaire, déplore le manque de sérieux de ses études, ce qui a été, pense-t-il, préjudiciable à sa carrière. Il donne de lui un portrait assez juste : « Vigoureusement constitué, il ne sentait jamais ni fatigue, ni besoin de repos » Il peignait « d’instinct et d’intuition » (continue Champier) des paysages alors qu’il était dessinateur de fabrique à Saint-Etienne, puis metteur en carte dans un cabinet lyonnais.
Faverjon prend une année de congé (absence de date précise) pour visiter Paris et ses musées, séjour qui lui permet aussi de peindre à Barbizon. Puis un hasard le met en rapport avec Hippolyte Flandrin, avec qui il se lie bien que les deux hommes fussent de tempérament assez différent : Faverjon au caractère « pittoresque », Flandrin assez austère. Il s’installe alors rue Boissonade, dans le quartier de Montparnasse. Désormais conclut Champier « il voit par les lunettes d’un autre » Avec son ami Lamothe, peintre lyonnais, il aide Flandrin à décorer l’église Saint-Vincent-de-Paul à Paris (1848-1853) et se consacre dès lors à la peinture d’histoire. C’est de cette période que date « la Délivrance de Saint-Pierre ».
En 1868, il se représente dans un énigmatique pastel « Autoportrait en trompe l’œil »,conservé au Musée d’Orsay.
(Ce tableau a fait l’objet d’une référence dans l’ouvrage de Jacques Derrida « Mémoires d’aveugle, l’autoportrait et autres ruines » (RMN p. 94 À 96) : « Le visage présumé de l’auteur, (âgé de 45 ans) sort d’un cadre, mais à l’intérieur du cadre ». De son index, J .M . Faverjon désigne une peinture mythologique avec Vénus et Aphrodite qui lui masque le bas du visage : l’œuvre est une mise en abyme qui procède par emboîtement des deux représentations dans le tableau.)
Puis, il continue à peindre des paysages (revenant à sa vocation première),
« Le lavoir sur le Furens », « Le Moulin du Treuil », parfois des travailleurs « Les Dentellières de la Haute-Loire » toiles qu’il envoie aux Salons de Lyon et de Paris jusqu’à sa mort relativement prématurée (à 50 ans).
(Source : Gilbert Gardes : Grande Encyclopédie du Forez : tome 1 : La ville de Saint-Etienne : article sur la peinture stéphanoise d’Elisabeth Hardouin-Fugier et d’Hélène Bringuier)
« La Délivrance de Saint-Pierre » exposée au salon de 1858, offert par l’empereur à Sainte-Marie en 1859, est aussi mal reçue par la critique que « La Descente de Croix » de Théodore CHASSERIAU, qui dénonce « des tâtonnements, des luttes, des efforts, des difficultés à rendre l’idée ». En 1860, Philippe Burty, critique d’art, toujours à la recherche de référence, note que cette toile « ne rappelle Murillo que de bien loin » et que les trois sources lumineuses : la lumière blanche qui surgit avec l’ange, la clarté pâle et blafarde qui émane de la fenêtre et les lueurs rougeoyantes et chaudes qui proviennent du fond, derrière Saint-Pierre « disséminent l’effort avec une profusion dangereuse ».
Le thème, en cette période de redécouverte et de réinterprétation picturale des
grands sujets religieux de la Renaissance est traité par quelques artistes, notamment par un autre peintre forézien : Gabriel Tyr (sur un dessin conservé au musée Crozatier, au Puy).
De la fresque de Raphaël, Faverjon retient la forte présence de l’architecture et l’aspect massif des murs de la prison. Il conserve le soldat endormi au premier plan dont il inverse la position.
Il se souvient également du fort clair obscur et du contraste marqué entre Pierre encore dans l’ombre et l’ange lumineux. Ce dernier, sur son tableau, montre la voie de la délivrance d’un geste de la main droite, rendu par un fort raccourci.
Si son visage angélique ne lui confère pas l’attitude majestueuse, à la fois ferme et sereine de celui de Raphaël, Saint-Pierre, par contre, est assez proche de l’apôtre peint par son brillant devancier : Faverjon a bien saisi l’attitude somnambulique du saint guidé vers l’extérieur comme dans un rêve.
Le peintre donne à l’apôtre une forte présence avec sa stature majestueuse qui rappelle certains personnages de Giotto et de par sa situation, au centre du tableau, au point de convergence des deux diagonales qui structurent la composition.
Il tient fermement les clefs que lui a remis le Christ « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux » Matthieu 16, 19 et libéré de ses chaînes se laisse conduire par la main qui l’a saisi.
La monumentalité du cachot, la parfaite maîtrise de la perspective avec un point de fuite situé sur le bord droit du cadre au-dessus de la tête du garde endormi, l’attitude pleine de souplesse et d’élégance du soldat au 1° plan gauche qui contraste avec la lourdeur de celui peint par Raphaël, la tonalité chaude des couleurs, les savants jeux de lumière… tout cela confère à ce tableau un bel intérêt qui a échappé à la critique d’art du 19°.
(Ce thème intéresse encore les artistes au 20° siècle : Cocteau le représente, dans un style évidemment bien différent, à la chapelle Saint-Pierre de Villefranche- sur-mer en 1957.)
La présence, historiquement fortuite, de ce tableau face à la « Descente de Croix » de CHASSERIAU renforce notre foi en la liberté donnée par la mort et la résurrection du Christ qui nous délivre de toutes les prisons pour nous conduire à sa lumière. L’accent mis par J.M. FAVERJON sur la lourde chaîne qui ne retient plus le prisonnier confirme cette force de libération apportée par l’irruption de Dieu dans nos vies. Il nous est simplement demandé de nous laisser guider, Dieu se charge d’aplanir et d’ouvrir le chemin.